Parlons intention pédagogique avec Merry Strullu

https://youtu.be/-XmfdF5s7qo

Aujourd’hui, Merry Strullu, formatrice coach et facilitatrice vous donne sa définition d’intention pédagogique. 

Spécialisée en innovation managériale, elle va nous expliquer qui elle est, elle va nous montrer les techniques qu’elle utilise en classe virtuelle, comment elle transforme du contenu présentiel en distanciel, les ouvrages qu’elle utilise.et elle nous donnera son meilleur conseil pour animer une classe virtuelle.

Qui es-tu ?

Merry Strullu, je suis formatrice, facilitatrice et coach spécialisée en innovation managériale, agilité, gestion de projet et Qualité de vie au travail. Depuis le confinement, j’ai basculé toute mon activité en distanciel. Aujourd’hui, j’accompagne et je forme des managers, des coachs, des facilitateurs à l’animation à distance. À la fois les outils collaboratifs en ligne et sur la posture du formateur. Mon objectif est de sensibiliser les personnes qui ne connaissent pas la facilitation à comment mettre des outils d’intelligence collective pour remettre du lien à distance, de la connexion, de l’échange formel ou informel et avoir cet effet de « waw, c’est aussi bien qu’en présentiel »

Mon souhait est de m’orienter vers du distanciel mais de conserver une partie de présentiel selon les demandes particulières que je pourrais avoir. 

Ça veut dire quoi Facilitatrice ?

Il s’agit d’utiliser des techniques de facilitation, d’intelligence collective. Par exemple, on retrouve l’ouvrage :

  • Devenir Facilitateur – Jean-Philippe Poupard
  • La facilitation des changements organisationnels – Jacky Singéry, François Granier 

Toutes les logiques collaboratives qu’on peut retrouver dans une entreprise, on va les utiliser pour les mettre au bénéfice des apprenants. 

Dans les techniques de facilitation, il y a 3 phases bien distinctes : 

  • La divergence (d’idées)
  • L’émergence : en sous-groupe, on va recueillir toutes nos idées différentes
  • La convergence 

Concrètement en distanciel, on va lancer une question du type : Pour vous, qu’est-ce que la posture d’un formateur ? Et, les personnes vont réfléchir individuellement. Soit, en notant les choses sur un bout de papier ou sur un mur virtuel. On laisse 3-5 minutes pas plus. Puis, on passe à la phase où on va les mettre en sous-groupe pour favoriser le dialogue. Quand j’anime des sessions de 20 à 30 personnes, à distance, on va moins oser parler. Voilà pourquoi les sous-groupes sont composés de 4 à 5 personnes, 6 grand max. Ils vont échanger sur ce que l’on appelle du partage de représentation. Ils vont travailler pendant 10, 15 voire 20 min. Puis, on va les récupérer tous ensemble. Et, une personne par groupe va venir expliquer le fruit de leur réflexion. On voit les différences, les récurrences. C’est presque de la classe inversée mais pas que ! Je vais aller me balader de sous-groupes en sous-groupes en caméra masqué (ils sont prévenus) et je m’assure que tout se passe bien, que les consignes sont comprises et si besoin j’allume la caméra et j’interviens. Mais, ce qui m’intéresse c’est ce qui se dit dans ces sous-groupes, je vais prendre des notes. En plénière, je vais utiliser leurs mots pour soit mettre du débat, soit mon cours théorique. Ceci permet d’éviter le cours théorique descendant.

Flo : Tu mets le doigt sur quelque chose : ne plus animer de manière descendante. On ne le fait pratiquement plus. On vient mettre l’apprenant au cœur de son apprentissage. Le mieux pour apprendre c’est de faire par soi-même, de manipuler par soi-même parce qu’on en retire les meilleures leçons et on retient beaucoup mieux. 

Merry : Exactement et c’est parce qu’on va manipuler des concepts que derrière on sera plus à l’aise pour les digérer. Dans mon parcours, je suis sociologue et ce type d’études où on retrouve la méthode descendante, j’essaye de mettre du dynamisme et de mouvement pour que les gens se réapproprient les concepts. Pourquoi ? Dans ma discipline de sociologie, on va une vraie difficulté à vulgariser les concepts et certains mots peuvent faire très peur. Alors que si je prends l’habitude de manipuler ces grands mots qui peuvent faire peur, on est sur de la vulgarisation et je m’entraîne moi-même sur des nouvelles notions. Mais, je transmets à l’autre des choses qui sont aussi de son propre référentiel. 

Flo : Je te rejoins complètement. Dans mes vidéos, il y a des moments où je vais utiliser un terme technique et je m’arrête en me disant “non, je ne veux pas utiliser un terme complexe, en tout cas inaccessible du grand public”. Par exemple, lors du tournage d’une de mes vidéos j’ai utilisé le terme synchrone et asynchrone, j’ai trouvé ces termes trop barbares. Pourquoi ne pas dire tout simplement classe virtuelle où on échange ensemble et e-learning, j’apprends par moi-même. 

Merry : plus on va utiliser différentes formes de langage et plus l’autre, apprenant, va s’habituer à ces différents langages et on diffuse la complexité qu’il peut y avoir derrière les concepts. 

Comment savoir quel outil utiliser ?

Merry : j’aime bien commencer une journée de formation par un brainstorming. On va aller toucher au partage de représentation. Toutes les idées se valent. Quelle est ma vision ? En tant que formatrice, je vois quels sont leurs niveaux de connaissance au-delà du questionnaire de positionnement (qui est très quantitatif). Ici, on est sur leur exemples concrets, leurs mots, on est dans ce qu’ils sont réellement et ce qu’ils pensent. 

Ceci me permet de prendre la température sur un sujet et de les mettre à l’aise sur le fait que la parole est libre et que les idées se valent. Que ce soit en tant que formatrice ou coach, il y a cette posture de non sachant. Oui, je peux donner des apports théoriques par rapport à tel courant de pensée mais si on regarde les choses sous un autre angle, on verra différemment. Donc, je les amène, inconsciemment, à avoir des angles de vue différents. Ce qui ressort, c’est que globalement on a les mêmes idées. Enfin, ça me permet de valoriser le groupe pour démarrer la formation. 

 

Flo : tu choisis ton outil en fonction d’un objectif, comment tu le fixes ?

 

Merry : Il y a d’un part l’objectif et l’intention. L’objectif est quels sont les concepts que j’ai envie qu’ils assimilent et l’intention c’est : est-ce que je veux qu’ils apprennent le concept ou commencer à le découvrir ?”

 

Exemple : Sur un board, on retrouve les différents styles de management et chaque participant va choisir les 2 pour lesquels ils ont le plus de choses à redire. Dans la séquence d’après, ils vont dire tout ce qui ne va pas dans ce mode de management. Toujours une idée par post-it. Pendant 20 minutes, ils vont lister les choses qu’ils ont à dire pour les 2 styles de management. On produit pendant ce temps. Puis, on va prendre du recul, on se lâche. Enfin, on se retrouve en plénière. Pour chaque action, ils vont devoir trouver une idée d’action de solution pour tout ce qu’ils ont noté. Les post-it sont répartis par couleur et sont récupérés par une autre équipe. L’inconvénient est qu’on se demande ce qui a voulu être dit et ceci enclenche une prise de conscience sur la précision dans ma communication. De plus, on se demande quelle action mettre en place quand c’est un peu flou. Pendant 20 minutes, ils vont réfléchir aux actions à mener. Pour la dernière phase en plénière, chaque équipe va débriefer, une personne par groupe va faire une restitution en scénarisant soit je joue le président du CODIR et je demande un état des lieux de l’entreprise avec les actions à mener. Là, ils se mettent dans leurs propres rôles, leur posture de RH. Je passe ensuite le poste de CODIR à une autre personne qui aura une autre stratégie de questions. On finit par se poser la question : sur quoi a-t-on envie de s’engager ?

 

Florence : Si je résume : au départ, tu amènes de l’imagination et petit à petit, tu les ramènes dans leur réalité, leur posture pour aller travailler sur de vrais plans d’actions et de vraies actions qu’ils vont devoir mener. 

 

Merry : J’amène du ludique pour désacraliser les choses et la technique de facilitation que j’utilise s’appelle des Liberating Structure qui est des Min Spec.

C'est quoi les Liberating Structure ?

Merry : C’est en open source, liberating structure reprend toutes les spécificités que je vais avoir sur un sujet ou un problème. Toutes les techniques sont recensées sur le site. Par exemple, si je veux utiliser Min Spec, toute la méthodologie est expliquée : comment je l’utilise, comment je coupe et combien de temps. C’est ma bible en termes de conception d’ateliers. 

Liberating structure c’est comment libérer le potentiel des personnes, des collectifs, des équipes simplement par l’échange. 

Aurais-tu une anecdote à nous raconter ?

Merry : Pour moi, les profils difficiles en distanciel sont les formations longue durée. Par exemple, je récupère des profils qui sont en formation depuis 4 mois, ça veut dire 7h par jour devant leur écran. Ils sont épuisés. Ils sont fatigués mais partants. Ils disent qu’ils auraient aimé vivre cette expérience avant, pourquoi les autres formateurs ne font pas ça ?

Ils sont habitués à faire de la formation descendante, en tout cas pas à mettre du ludique. 

Le plus difficile a été des personnes qui sont venues en formation sans grande motivation et qui n’en pouvaient plus de leurs profs. Je les ai eu 5 jours d’affilée. Je leur ai dit que je dépassais mes limites, j’essayais d’être créative pour trouver d’autres façons pour les raccrocher, je sais que c’est fatiguant pour eux. Et là, je n’ai pas réussi comme je voulais, il n’y en a eu que 2 qui m’ont dit : “c’était trop bien”. Pour les autres rien n’allait. Mais, en fait, j’étais sur un public défaitiste qui n’avait pas envie de travailler et qui n’était pas motivé par le type de formation et j’arrivais sur un truc chiant c’est de la qualité en informatique. C’était ma toute première formation à distance et ça a été la pire. Comment gérer quand personne ne veut parler, ni participer. Grand moment de solitude.

Flo : ça arrive d’avoir des personnes qui n’ont pas envie d’être là. J’ai pu le vivre en centre d’appels où des personnes viennent se former mais n’ont pas envie d’être là. Ils viennent par défaut ou par nécessité. 

Merry : je te rejoins et on va se poser la question : quelle est ma motivation ? Est-ce que je suis là parce que j’ai besoin de la formation ? Est-ce un tremplin ?

Flo : ça me rappelle une anecdote, lors d’une formation continue, j’ai animé une formation pour un groupe. Mes 2 autres collègues et moi-même ne voulions pas former ce groupe car il était très négatif, défaitiste et c’était compliqué de les former car ils n’avaient pas envie d’être là et refusaient tout ce qu’on pouvait proposer. Ma solution a été de trouver le leader négatif et de le laisser parler franchement. Le ballon de baudruche s’est vidé et ça lui a permis de se sentir écouté et compris. Ainsi, je l’avais avec moi et j’avais compris son besoin de se sentir utile en formation.

Dès qu’un débat se lançait ou que j’avais besoin d’un avis, j’allais la chercher. Et, elle était ravie d’être écouté et je pense qu’elle manquait vraiment de ça. 

Merry : Je te rejoins et ces personnes que l’on identifie rapidement en formation, plutôt que de les laisser dire “ça, vous avez oublié de le dire”, aller les mobiliser pour avoir leur retour d’expérience. Par exemple, à la suite d’une partie descendante, je vais aller les chercher pour recueillir leur avis, leur expérience. Ça me permet en me plaçant au milieu, de les valoriser et de les faire participer en donnant une petite partie du cours ce qui leur fait plaisir et permet de donner les informations d’une autre manière que moi. De plus, je mets cette personne à un autre niveau, je ne suis plus le sachant.

Ce qui m’arrive aussi, est au retour de pause avant un energizer, de faire un retour d’expérience pour apporter quelque chose et avoir de l’information (que je note) qui me permettra de rebondir par la suite. 

Mon complexe en tant que sociologue sont les mots que l’on va utiliser, les termes complexes. Au début, je vais les amener à réfléchir par eux-même sur le type de vocabulaire avec lequel ils sont à l’aise. Ce qui me permettra de rebondir. Et, quand je suis sur la partie descendante, je vais réutiliser leur vocabulaire pour aller sur du dur. Ainsi, pas de prise de tête. Vu que ça a été vulgarisé, on peut monter d’un niveau et oser dire des grands mots. On peut dédramatiser des grands mots.

Quel conseil peux-tu donner à un formateur animant une classe virtuelle ?

Merry : la clé sur du distanciel va être les sous-groupes. Quel que soit le contenu et l’apport théorique, les temps en sous groupe apportent du dynamisme et de la participation. Il faut donc alterner les temps en sous-groupes et plénière c’est ça qui va donner le rythme. 

Flo : En présentiel, j’aimais diviser ma salle en deux et faire un battle. Ainsi, chaque groupe pose des questions à l’autre groupe. On va trouver des noms d’équipe et attribuer des points. D’ailleurs, rien que le fait de trouver un nom d’équipe montre une scission dans les groupes, ils annoncent qu’ils sont les meilleurs, qu’ils vont poser des questions compliquées… L’intérêt est qu’en créant les questions, ils vont creuser dans leurs notes et réfléchir. Ainsi, ils ancrent la matière vue.

Merry : J’utilise sur un board Klaxoon, les supers pouvoirs édité par Agile Garden. Je pose la question : “quel est votre super pouvoir ?” et chaque équipe va devoir expliquer pourquoi cette carte a été choisie. Je l’utilise en energizer. Puis, je leur demande de trouver un nom d’équipe qui symboliserait tous leurs super-pouvoirs. Sans qu’il y ait une logique de compétition. Je les invite à mettre des images pour illustrer et je vais dans un second temps réutiliser leur nom d’équipe pour les solliciter. Ça vient renforcer le sentiment d’appartenance. L’idée est de venir valoriser les personnes qui sont avec moi dans mon groupe, je me valorise parce qu’on a tous des super-pouvoirs et ça ancre d’un groupe qu’on va avoir sur 2-3 jours.

Flo : Tu as dit un mot que j’affectionne tout particulièrement c’est le mot : Valorisation. On en a besoin en France, ça nous manque. J’ai pu voir tellement d’apprenants douter, manquant de confiance en eux. Je pense que pour n’importe quel formateur, c’est quelque chose à ancrer. Valorisez vos apprenants, montrez-leur qu’ils ont des super-pouvoirs. Il n’y a pas de petite réussite.

Merry : En distanciel, on peut réutiliser les activités en présentiel comme des cartes par exemple. 

Flo : le jeu Dixit par exemple qui permet d’utiliser des cartes. 

Merry : Oui et on peut les créer soi-même en icebreaker par exemple. Le photolangage est apprécié.

Flo : En tant qu’apprenante, je n’aimais pas ce jeu parce que je ne comprenais pas le sens. Je ne voyais pas pourquoi ils l’utilisaient. Mais Juliette Fasquelle m’a permis de comprendre qu’on peut faire pleins d’activités avec des cartes. Elle a donné du sens, l’objectif de l’activité et de simplement d’utiliser un autre moyen de s’exprimer. 

Merry : Oui et on n’a pas besoin de gratter, on répond simplement à la question sous une autre forme. Ça permet de faire une météo, de recueillir les attentes de la formation. Tout dépend de la manière où on amène l’activité et être ok avec des personnes qui n’ont pas envie. Dans ce cas, on peut simplement poser la question sans utiliser le photolangage. 

Flo : Merci d’avoir accepté cette invitation, merci pour tous ces bons conseils. Où peut-on te joindre ?

Merry : Sur les réseaux sociaux :Merry Strullu et osonsunepause.fr

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